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La justice réparatrice, un processus transformateur

Chez Mesures Alternatives des Vallées du Nord (MAVN), nous parlons souvent de justice réparatrice, où la personne contrevenante accepte de réparer les torts qu’elle a causés à la personne victime. Les mesures réparatrices prennent différentes formes, qui peuvent même comprendre une rencontre de médiation pénale entre contrevenant et victime. Tenue sous la supervision d’un ou une intervenante sociojudiciaire et médiatrice pénale, une telle rencontre donne souvent lieu à des moments très touchants. Laissons notre intervenante Mélanie Renaud nous raconter ce qu’elle a vécu récemment.

MAVN : Mélanie, tu sembles avoir vécu une médiation remplie d’émotions. Peux-tu nous raconter ce qui s’est passé?

Mélanie : Bien sûr, en respectant l’anonymat des personnes concernées. Il s’agissait d’une rencontre de médiation pénale, entre un jeune contrevenant et une personne victime. Les deux avaient accepté de participer à une démarche de justice réparatrice, qui offre la possibilité de se rencontrer.

MAVN : Quand on parle de justice réparatrice, y a-t-il toujours une rencontre entre la personne contrevenante et la personne victime?

Mélanie : Non, pas obligatoirement, mais c’est une des options possibles. Il existe plusieurs types de mesures réparatrices. Nous évaluons chaque dossier afin de déterminer si une rencontre de médiation pourrait être bénéfique, autant pour la personne contrevenante que pour la personne victime. Évidemment, il faut aussi que les deux partis souhaitent se rencontrer. C’est pourquoi nous contactons chaque personne au préalable afin de vérifier leur intérêt pour une démarche de justice réparatrice.

MAVN : Quand c’est le cas, j’imagine qu’on ne se contente pas d’enfermer les deux personnes dans une pièce en leur disant : débrouillez-vous!

Mélanie : Certainement pas. Nous tenons des rencontres de préparation avec chaque personne impliquée, une étape très importante. Ensuite, nous supervisons la rencontre de médiation, avec une attitude de neutralité bienveillante. Le but, c’est de faciliter la discussion entre les deux protagonistes, en s’assurant qu’il n’y ait pas de rapport de force entre les deux.

MAVN : Ça ne doit pas toujours être évident, surtout quand on parle d’un délit comme des voies de fait, où il y a eu une agression physique. C’était bien le cas dans le dossier dont il est question, n’est-ce pas?

Mélanie : En effet. L’agression remontait à plus d’un an. C’est arrivé le soir d’un party. La victime, alors âgée de 17 ans, avait abordé une jeune femme, d’une manière que d’autres ont trouvée déplacée. Un groupe de jeunes a donc voulu donner une leçon à la personne victime, en la tabassant.

MAVN : C’est quand même un délit assez grave. Pourquoi a-t-on choisi d’opter pour la justice réparatrice, au lieu d’une sanction pénale traditionnelle?

Mélanie : C’est le procureur qui prend une telle décision, après évaluation de chaque cas. Ce que je peux dire, c’est que la personne contrevenante n’avait pas vraiment le profil d’un criminel endurci. C’est plutôt un jeune qui a voulu se trouver un groupe d’appartenance, en faisant comme ses amis. Au fond, il cherchait à se sentir apprécié, d’une très mauvaise manière. Ce qui n’enlève rien à la gravité de ses actes.

MAVN : Justement, est-ce que la personne contrevenante reconnaissait qu’elle avait mal agi, et que c’était un délit grave?

Mélanie : Absolument. On parle d’une personne très intelligente, généralement responsable, qui a commis une erreur. Le jeune homme se sentait vraiment coupable et avait des regrets. Il reconnaissait la responsabilité de ses actes, et il avait pris le temps de réfléchir aux conséquences. C’est précisément l’attitude qu’on souhaite trouver chez une personne contrevenante.

MAVN : Et la personne victime, elle? Comment se sentait-elle à l’idée de rencontrer son agresseur?

Mélanie : La personne victime avait peur, comme c’est souvent le cas. Voilà pourquoi les rencontres de préparation ont tellement d’importance. On doit informer les personnes victimes, les rassurer, leur faire comprendre que la médiation a lieu dans un environnement sécuritaire. Le but n’est pas de revivre le traumatisme de l’agression, bien au contraire. La personne victime cherche à comprendre, à obtenir des réponses. C’est une étape de son processus de guérison.

MAVN : La personne contrevenante ne partage pas cette peur.

Mélanie : Pourtant, oui. Du moins, c’était le cas dans ce dossier. En fait, la personne contrevenante se demande souvent pourquoi la personne victime veut la rencontrer. Certains imaginent même que c’est par désir de vengeance, que la personne victime cherche à identifier son agresseur pour lui rendre la pareille. Quant à la personne victime, en plus de craindre son agresseur, elle a aussi peur de subir des représailles.

MAVN : Tout ça n’est que dans la tête des personnes impliquées, j’espère.

Mélanie : Effectivement. La justice réparatrice permet vraiment d’amorcer une vraie guérison, de tourner la page, de passer à autre chose. Pour la personne contrevenante, c’est une sorte de libération, un poids qui s’enlève de ses épaules et une prise de conscience sur le vécu de l’Autre. Pour la personne victime, c’est un soulagement, un apaisement, une paix retrouvée. C’est exactement ce qui s’est passé dans le dossier dont nous parlons ici.

MAVN : Comment en est-on arrivé à un tel dénouement?

Mélanie : Au début de la rencontre de médiation, il y a toujours un malaise, un inconfort. Pour une personne contrevenante, c’est un geste courageux d’affronter la personne victime, et pour celle-ci de rencontrer son agresseur. En plus de la peur, il règne aussi un cocktail d’émotions. Parfois, de la colère. De la honte. De la culpabilité. C’est très inconfortable pour tout le monde.

MAVN : C’est le médiateur ou la médiatrice qui détend l’atmosphère?

Mélanie : Oui et non. Forcément, il y a une brève introduction, les présentations d’usage. Mais très rapidement, on laisse les personnes impliquées interagir. C’est à elles de trouver leurs réponses, leurs solutions. Le rôle du médiateur ou de la médiatrice, c’est de faciliter les échanges, en s’assurant que personne ne cherche à dominer l’autre. On ne tolère ni l’agressivité, ni l’intimidation, ni aucun autre rapport de pouvoir.

MAVN : Et c’est difficile à gérer?

Mélanie : Cela dépend de chaque participant ou participante. Mais quand la personne contrevenante a pris conscience des conséquences de ses actes, elle se montre généralement plus réceptive. De son côté, quand la personne victime surmonte sa peur et fait preuve d’ouverture, elle ouvre la porte au repentir et à la paix d’esprit.

MAVN : Dans le dossier que tu nous racontes, c’est ce qui tu as observé?

Mélanie : Et comment! C’était vraiment touchant. Spontanément, la personne contrevenante s’est excusée. Le jeune homme a assuré qu’il regrettait son geste, qu’il n’avait pas vraiment réfléchi. Il a ensuite expliqué qu’il s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Il a voulu s’intégrer à un nouveau groupe d’amis, sans penser aux conséquences de ses actes. Il s’est exprimé très clairement, avec sincérité et conviction. Un message qui venait du cœur.

MAVN : C’est très mature. C’est comme si on ne parle plus d’une simple personne contrevenante, mais plutôt d’un jeune homme très responsable, qui a commis une erreur et qui le reconnaît.

Mélanie : C’est exactement ça. C’était tellement touchant que la personne victime a éclaté en sanglots en entendant ces paroles. Je crois que cette personne s’est sentie entendue, respectée et comprise. La peur est tombée, on pouvait presque le sentir. La pression aussi a disparu. C’est comme si les lourdes procédures judiciaires prenaient fin. Le soulagement ressenti par tout le monde était spectaculaire!

MAVN : Ça devait être une belle sensation d’observer tout ça.

Mélanie : Oui, vraiment. On n’obtient pas toujours des résultats aussi impressionnants, mais quand ça arrive, c’est là que la démarche de justice réparatrice prend tout son sens. Les personnes qui y participent de bonne foi en sortent transformées.

MAVN : Tu penses à la personne contrevenante ou à la personne victime?

Mélanie : Les deux. Pour la personne contrevenante, assumer ses responsabilités, prendre conscience des conséquences de ses actes, s’excuser, c’est une formidable occasion de grandir, de gagner en maturité. Pour la personne victime, c’est extrêmement libérateur. Un grand pas vers une véritable guérison. Bref, tout le monde y gagne!

MAVN : Y compris le médiateur ou la médiatrice?

Mélanie : Aucun doute. Sentir qu’on participe à un processus transformateur qui fait autant de bien, c’est très valorisant. Ça donne un sens à nos efforts.

MAVN : Et à notre raison d’être comme organisme de justice alternative. Merci pour ce beau témoignage.

Description de la photo

L’image qui accompagne ce texte illustre la démarche de justice réparatrice. Même si le poing évoque l’agression, on constate qu’il n’atteint plus la main de la personne victime. En s’affirmant et en s’imposant, celle-ci freine l’agression et reprend son pouvoir, en douceur. La distance, l’incompréhension qui existait entre les deux s’atténue. Malgré leur posture opposée, leur attitude différente, on perçoit davantage la proximité que l’agressivité. De cet événement émane une lumière, un nouvel éclairage, porteur d’espoir et symbole d’un renouveau. Les deux personnes concernées sortiront transformées de cette rencontre.

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